Histoire de notre tour Chappe et la vie de Claude Chappe

TOUR CHAPPE DE GRADIGNAN

Implantée dans le domaine de Laburthe, la tour du télégraphe Chappe, s’élève sur le point le plus haut de Gradignan (33m).

Elle est située entre la station de l’église Saint Michel (Bordeaux) et celle de la House (Canéjan) sur la ligne Paris-Bayonne. La station du tramway sur l’avenue s’appelait « Télégraphe », cette appellation persiste pour l’arrêt du bus actuel.

Cette tour destinée à transmettre des messages codés, fut construite en 1823 et utilisée jusqu’en 1853, date à laquelle elle fut remplacée par le télégraphe électrique. Elle est, aujourd’hui, le seul relais existant des lignes télégraphiques Chappe installées en Gironde.

Le château de Laburthe est à ce jour le siège de l’INJS (Institut National de Jeunes Sourds). A noter que, dans ce parc se trouve devant le château, la statue de l’abbé Charles-Michel de l’Epée (1712-1789) fondateur du premier institut pour sourds et qui a proposé un langage sous formes de signes.

LA TOUR A ÉTÉ CLASSÉE MONUMENT HISTORIQUE EN 2012.

L’AMHITEL, en concertation avec plusieurs intervenants (INJS, Services culturels de la mairie de Gradignan, DRAC, artisans…) a terminé en juin 2023 la rénovation de cette tour à l’identique et en respectant les règles de l’Art de l’époque.

La tour Chappe du château Laburthe est évoquée dans plusieurs œuvres de Mauriac ! En effet ce célèbre personnage rendait régulièrement visite à sa grand-mère Irma Coiffard qui habitait le château.

CLAUDE CHAPPE

Jusqu’à la Révolution, l’information circulait au pas des chevaux ou des diligences. A cette époque, la France en conflit avec presque tous les autres royaumes, cherche un moyen plus rapide et plus fiable pour communiquer avec les armées aux frontières.

En 1793 Claude Chappe (1763-1805) inventa un ingénieux système optique et aérien de communication.
C’était un télégraphe aérien utilisant une tour, colline ou édifice surmontés d’un mât avec trois bras mobiles.

Une ligne télégraphique équipée du système Chappe se compose de deux stations terminales et d’un certain nombre de stations relais intermédiaires, à vue directe l’une de l’autre (env. une dizaine de kms). La machine se compose d’un grand bras en bois (régulateur), perché en haut d’un mât-montant et qui peut pivoter pour prendre 2 positions distinctes. Aux extrémités de ce grand bras se trouvent deux petits bras (indicateurs) qui pivotent et qui peuvent prendre chacun 7 positions distinctes formant ainsi différents codes.

Dans chaque station, un employé (stationnaire) observe à la longue-vue les signaux transmis par la station « amont » et les reproduit un à un à destination de son correspondant « aval », à l’aide des bras articulés de son télégraphe aérien.

LE TÉLÉGRAPHE CHAPPE N’UTILISE PAS LE CODE ALPHABÉTIQUE MAIS UN CODE NUMÉRIQUE.

Les signes conventionnels transmis grâce aux trois bras de l’appareil correspondent à des nombres. Leurs combinaisons renvoient aux pages et aux lignes de plusieurs répertoires spéciaux appelés « vocabulaires ».  Le premier signe indique au destinataire la page du répertoire, un second indique la ligne à lire dans cette page. Et ainsi était décodé le message par le récepteur. Les limites de ce système étaient les conditions atmosphériques et bien sûr la nuit.

Le projet de restauration

La tour ayant été classée monument historique, cette restauration devait être faite à l’identique en respectant les règles de l’Art, conformément au système imaginé par Claude Chappe.

CONTEXTE

La Tour Chappe (télégraphie optique et aérienne) se situe dans l’enceinte de l’Institut des Jeunes Sourds (INJS) à Gradignan. C’est une tour ronde construite en pierre de taille et haute de 10,50m. Elle se trouve au point le plus élevé de cette commune (33m) dans le domaine de Laburthe. Cette tour a été utilisée de 1823 à 1853.

Elle était située sur la ligne Paris-Bayonne et correspondait en amont avec la « station Saint Michel » (église de Bordeaux) et au sud avec la « station La House » quartier de Canéjan aujourd’hui disparue.

Entre 1990 et 2004, une 1ère restauration a eu lieu mais sans contrainte de choix des matériaux, avec seulement un mât factice et bloqué.

PROJET

Après plus de 10 ans de procédures administratives et juridiques, l’Amhitel avec ses Présidents successifs, plus particulièrement Mr Daniel DUPOIRIER a mis toute son énergie pour réhabiliter cette tour.

La tour ayant étant inscrite au titre des monuments historiques, cette restauration devait être faite à l’identique en respectant les règles de l’Art, conformément au système imaginé par Claude CHAPPE.

La visite de 3 tours fonctionnant à Aussois (2018) en Savoie, puis 1 autre dans l’Hérault, rénovée par un artisan des monuments de France a, non seulement motivé l’Amhitel mais a permis de mesurer l’ampleur des travaux qui l’attendait…

Plusieurs intervenants ont été concernés pour financer et réaliser ce chantier de restauration (INJS, Mairie de Gradignan, DRAC, Direction des finances publiques, FNARH, Architecte, Artisans…

Début des travaux
Un permis de construire était nécessaire pour cette rénovation, il a été déposé fin décembre 2019 à la mairie de Gradignan et l’accord de réalisation des travaux nous est accordé en avril 2020 par la préfecture. Le Covid nous interrompt dans notre élan au printemps 2020 !
Le budget est bouclé en Juin 2020, l’architecte en accord avec I’INJS passe à la phase opérationnelle en novembre 2020, en présence de notre artisan principal Mr GUERIN et Mrs DUPOIRIER et REMAZEILLES de l’Amhitel.

Réalisation des travaux
Tout le mécanisme (mâts, bras, manipulateur…) est réalisé dans les ateliers Guérin fin 2020. Les travaux de maçonnerie ont été retardés suite à la défection d’un artisan et donc terminés qu’à l’automne 2020. La restauration du local attenant à la tour (appelé édicule) est terminée en mars 2021.
En mai 2021 c’est la fin des gros travaux de restauration. Il reste les travaux d’électricité intérieur et extérieur quelques réserves à lever et la résolution de quelques infiltrations d’eau…

Fin des travaux
Le 4 Juin 2022 en présence de l’architecte, des artisans et de l’Amhitel la fin des travaux définitive est signée.

Inauguration
Le 6 Juin 2023 c’est l’inauguration officielle de notre Tour CHAPPE en présence d’Orange, mairie Gradignan, INJS, DRAC, artisans, FNARH, maire de Cestas, représentants de Conseil départemental de la Gironde, journalistes et membres de l’Amhitel…

Cette tour est le seul relais existant et fonctionnant des lignes télégraphiques Chappe dans le sud-ouest. Par ailleurs, elle est la 5ème tour classée aux monuments historiques en France.

VOCABULAIRE CHAPPE ET CHIFFREMENT

Le Télégraphe Chappe nous fait entrevoir une forme de chiffrement des messages transmis. Cette particularité n’a pas échappé aux responsables des lignes télégraphiques L’étude présentée ici vise à rechercher la filiation des méthodes de chiffrement utilisées sur les voies de transmission télégraphique. Après un rappel succin du principe de codage CHAPPE, on s’intéresse au système de chiffre élaboré immédiatement pour le télégraphe électrique FOY-BREGUET.

Jusqu’à la Révolution, l’information circulait au pas des chevaux. En 1793 Claude Chappe (1763-1805) inventa un ingénieux système aérien de communication. C’était un télégraphe aérien utilisant une tour surmontée d’un mât mobile avec deux bras.

En premier lieu, le nom était : tachygraphe (en grec takhus : rapide et graphein : écrire). Le Comte Miot De Mélito inventa le terme télégraphe qui fut privilégié en 1793 (en grec, tele : loin). A cette époque, la France en conflit avec presque tous les royaumes absolus, cherche un moyen plus fiable pour communiquer avec les armées aux frontières. Le télégraphe est une étape décisive dans la transmission rapide des informations sur de longues distances.

Le procédé était révolutionnaire à l’époque : une diligence portait un message de Paris à Strasbourg en 4 jours alors que ce message était transmis en moins de 2 heures avec le télégraphe de Chappe.

La première dépêche annonce au gouvernement la prise de Condé par l’armée révolutionnaire

« Condé restitué à la République, reddition a eu lieu ce matin à six heures ».

Le mât noir du télégraphe était visible avec des lunettes spéciales d’une tour à l’autre, par beau temps, à une distance d’environ 12 km. Ainsi un petit message partant de Paris dans de bonnes conditions météorologiques était transmis à Lille au bout d’une dizaine de minutes. Un message de 36 signaux pouvait prendre une trentaine de minutes, transmission très rapide pour l’époque. Une dépêche télégraphique allant à 150 km/h était à l’époque d’un gros avantage.

Au fil des ans la vitesse de transmission s’améliora pour presque doubler et se stabiliser vers 1849… mais le télégraphe électrique se profilait déjà à l’horizon.

Il était par contre difficile de communiquer par temps de pluie ou de brouillard et la nuit. Ce télégraphe a fonctionné de façon plus efficace en Algérie Les transmissions s’étant révélées utiles et rapides, le réseau s’est étendu sur toute la France.

Le mécanisme de type « MILAN », le plus employé sur le réseau national, permet d’afficher 98 signaux bien différenciés dont 92 réservés pour la correspondance, les 6 autres affectés aux mentions de service. Les signaux observés à la lunette sont reproduits de poste en poste de l’origine vers l’extrémité de la ligne. Les signaux de correspondance sont numérotés de 1 à 92.

Le code secret connu seulement par quelques responsables : les directeurs, utilise des signaux indiqués par paires.

Le sens peut être un mot, une phrase, un ordre du langage des militaires ou de celui des diplomates, principaux utilisateurs du système.

Notons que sur la proposition de Claude Chappe, la Loterie de France transmettait les résultats par télégraphe, moyennant une redevance (il y a eu des fraudes…). Cette recette a permis de terminer la construction des lignes puis de financer de nouvelles lignes.

Remarque la Loterie de France a été créée par le Directoire (1795-1799) pour remplir les caisses vides de l’Etat. Elle fut supprimée au début du XIXe siècle et rétablie sous le nom de Loterie nationale en 1933.

 

Des hommes disciplinés, les stationnaires, sont répartis dans les relais et assurent la répétition des signaux de proche en proche dans le territoire. Les signaux de service étaient compris par les stationnaires : ils indiquaient par exemple le début et la fin d’un message ou signalaient que la transmission était bloquée par le mauvais temps. Par contre, les signaux de correspondance étaient codés afin d’en préserver le secret.

Ces signaux étaient traduits à leur arrivée à l’aide du Vocabulaire de Chappe.

Chaque mot ou expression est codé par deux nombres représentant le n° de la page puis la ligne où l’on trouve la signification du signal dans le Livre codes secrets Chappe

Ainsi page 14, ligne 75 on trouve le mot : banqueroute ;

  • page 14 ligne 58 on trouve l’expression : prendre toutes les précautions ;
  • page 31 ligne 56 on trouve : aristocratie ou aristocratique ou aristocratiquement.

Trois barres constituent le mât :

Deux indicateurs mesurant par exemple chacun 2 m de longueur et la barre centrale dite régulateur mesurant environ 4,60 m de longueur. Pour former un signal de dépêche, le régulateur prend deux positions : horizontale ou verticale. Chacun des deux indicateurs peut prendre sept positions, les voici dans le cas où le régulateur est vertical.

Les indicateurs peuvent occuper 8 positions par rotation de 45° mais celle où l’indicateur est dans le prolongement du régulateur n’est pas utilisée pour des raisons techniques

Dispositions possibles du régulateur et des indicateurs

Voici les sept positions :

avec régulateur horizontal : OU avec régulateur vertical : .

Nous avons les mêmes cas pour l’autre indicateur du mât et pour chaque position du régulateur vertical ou horizontal. Finalement dans ce langage télégraphique, nous obtenons 2 x 7 x 7 positions possibles soit 98.   Cependant seuls 92 signaux sont utilisés pour la composition des dépêches dont la signification est inconnue des opérateurs. Comme ces signaux sont utilisés deux par deux, nous obtenons 92 x 92 soit 8464 expressions (d’un ou plusieurs mots) possibles.

Six signaux dits réglementaires sont utilisés pour le service et sont les seuls connus des stationnaires :

Ces six signaux sont utilisés seuls (et non avec un autre pour former une paire) pour

  • indiquer la fin d’un message
  • signaler une erreur de transmission ;
  • « suspension de brumaire » (sans doute brouillard) ;
  • « suspension d’absence » (sans doute reprise du travail) ;
  • la position de repos ou inertie : position verticale, indicateurs repliés ;
  • indiquer l’envoi d’un nouveau message : position horizontale, indicateurs repliés.

Les signaux sont observés à distance avec des lunettes grossissant entre trente et quarante-cinq fois selon les besoins. Les stationnaires recomposent le message pour l’envoyer ensuite au poste suivant. Les postes sont en général distants d’une douzaine de kilomètres. En général, il y a deux stationnaires par poste : à tour de rôle, l’un manipule le télégraphe et l’autre observe dans la lunette la station précédente ou la station suivante.

Les différentes positions du télégraphe de Chappe pour les signaux de correspondances (suivre le lien)

 

Comment manœuvrer le télégraphe de Chappe

L’envoi d’un message s’effectue en plusieurs étapes :

  • Juste avant l’envoi du message, la position verticale signifie repos ou inertie (par exemple, la nuit ou par brouillard).

Pour la création du signal :

  • Le régulateur est mis à l’oblique (prêt pour former un signal : gauche pour signal de service, droite pour signal de correspondance)
  • Le positionnement des indicateurs sur le régulateur est toujours fait quand ce dernier est oblique ;
  • Le régulateur est mis en position verticale ou horizontale : il est ainsi « porté au FINI« .
  • Le repliement des indicateurs s’effectue lors de la mise à l’oblique du régulateur.

Les différentes manœuvres du télégraphe Chappe : formation du signal (suivre le lien)

ANIMATION décodage et codage des signaux de correspondance

Dans l’animation (voir lien internet), j’ai répertorié l’essentiel des codes obtenus grâce à un Vocabulaire que nous avons en notre possession qui date de 1854 qui s’intitule 

 Vocabulaire de composition du vicomte de Vougy (second empire)

J’ai retranscrit les codes correspondant à 92 pages de 92 lignes.

En réalité ce vocabulaire donne 99 pages de 99 lignes. Livre codes secrets Chappe (Voir livre du vocabulaire de composition 1854)

Je n’ai pas pu coder les signes de 92 à 99 puisque je n’ai pas trouvé leur représentation en signal. Peut être due à une modernisation du code et /ou à l’utilisation avec des machines tel que celle de Flocon ou Foy- Breguet. Notons que le vocabulaire de Chappe a évolué au cours de ses années d’utilisation.

En 1837, Jacques Gabriel Flocon, administrateur du télégraphe propose un nouveau modèle d’appareil.

Son système supprime le régulateur central et le rend fixe. A la place, on trouve un petit régulateur mobile placé en haut du mât.

L’ensemble est beaucoup plus léger que le mécanisme d’origine et les manipulations sont beaucoup plus rapides : on passe de 2 à 3 signaux par minute à environ 5 à 6. Les dernières ramifications construites à partir de 1840 en seront équipées.

Après bien des recherches, ce vocabulaire est un vocabulaire spécial datant d’un peu après 1850 et destiné à transmettre électriquement des messages secrets pour certaines autorités officielles. Ce n’est pas à proprement parler un Vocabulaire de Chappe. Toutefois, le principe du fonctionnement reste identique avec ce vocabulaire. Après de multiples recherches auprès du Musée de la Poste il semble qu’il n’y ait plus aucun exemplaire du Vocabulaire de Chappe. Les derniers exemplaires connus ont été malheureusement volés à Brûlon pendant la Seconde Guerre Mondiale.et non pas détruits,

Dans l’animation (Suivre le lien)

  • On peut entrer les nombres de 1 à 92 par couples. Alors s’affichent le signal et sa signification.
  • On obtient la liste des termes utilisés dans l’encadré du bas de l’animation que l’on peut faire défiler.
  • On peut effectuer une recherche sur une expression ou une partie d’expression… Les nombres sont séparés par des blancs.
  • Les expressions ne doivent pas comporter de blanc inutile et elles sont séparées par des points virgules.
  • Un bouton permet de voir tous les signaux et un clic sur les boutons désirés permet d’obtenir le code correspondant.
  • En cliquant plusieurs signaux par paires, il est possible de composer un message de l’époque de la Révolution avec des moyens actuels ;)

Exemple fictif de message écrit à Paris (station 1) : « Un braconnier condamné à la prison en avril ».

Texte à entrer dans l’animation au-dessus du bouton VALIDER :  « un;braconnier;condamné;à la;prison;en;avril»

Le message « Urgent;Napoléon;est;de;retour;en;France» évoque le retour de l’île d’Elbe de Napoléon lors de son débarquement en France le 1er mars 1815.

La ligne Toulon Lyon n’était pas encore en fonctionnement : elle ne l’a été qu’en 1821. Ainsi Louis XVII n’a été averti du retour de Napoléon que quatre jours plus tard (à la vitesse du cheval entre la côte et Lyon) alors que si le télégraphe de Chappe de la ligne Toulon-Lyon avait été en activité, il aurait été averti en quelques heures.

TRANSMISSIONS entre postes

Dans l’animation (Suivre le lien)

  • Les flèches simples permettent d’avancer ou de reculer étape par étape.
  • La double flèche fait avancer l’animation automatiquement.
  • Chaque stationnaire A ne peut envoyer un nouveau signale que lorsque son suivant B a bien réceptionné celui envoyé par A.

Lors de la mise en place du réseau de télégraphe. électrique à partir de 1850, les responsables politiques constatent immédiatement quelques défauts et lacunes dans la transmission. En effet, la télégraphie CHAPPE transmet des dépêches sous forme confidentielle donc soustraites à la curiosité des transmetteurs et du public, sous forme Economique car le codage a une fonction abréviative bien authentifiée, la provenance est plus sûre qu’un message clair qui peut être expédié par une personne quelconque

Pour remédier à ces carences, il est donc parfois nécessaire d’employer des moyens CRYTOGRAPHIQIIES qui assurent un relatif secret des correspondances transmises. La terminologie utilisée est la suivante ; »chiffrer » c’est transformer un texte clair en texte secret : L’opération s’appelle « chiffrement » et la « clé » de la transformation, le système de « chiffre ». A l’inverse, « déchiffrer » consiste à transcrire un texte secret en langage clair, grâce à l’opération de « déchiffrement ».

L’utilisation du « chiffre » permet de retrouver en partie, les qualités du système CHAPPE et nous assisterons désormais à son emploi de plus en plus fréquent.

Des 1854, le ministère de l’intérieur organise un système de chiffre pour sa propre activité avec un procédé analogue à celui des affaires étrangères

Cette même année, 1854 le directeur général des lignes télégraphiques (Vicomte de Vougy) met en place un procédé de chiffrement pour les signaux de l’appareil français (FOY-BREGUET) qui sera utilisé jusqu’en 1860 mais ces appareils étant progressivement remplacé par des appareils MORSE, le procédé de chiffrement ne répond plus au besoin du service. Lettre du Vicomte de Vougy(Lettre du Vicomte de VOUGY du 3.8.1861)

La solution transitoire adoptée va avoir une énorme influence pour I ‘avenir des procédés de chiffrement.Cette méthode est directement déniée du système de codage CHAPPE décrit plus haut, dont il constitue la suite logique, car l’appareil FOY BREGUET forme des signaux analogues.

Ce chiffre va remplacer à partir du premier septembre 1861 celui de 1854. Désormais, toutes les dépêches officielles confidentielles seront chiffrées par ce nouveau procédé qui comprend un vocabulaire et une instruction d’emploi- Instruction sur le vocabulaire(Voir Instruction sur l’emploi du vocabulaire de 1861)

Le vocabulaire se présente sous la forme d’un ouvrage à couverture cartonnée de format 24,5 cm x 37,5 cm disposé en deux Parties.

  •  la première destinée à la composition appelée parfois « table chiffrante » ou les mots et expressions sont listés par ordre alphabétique avec en regard deux groupes de chiffres
  •  la deuxième partie réservée à la traduction, la « table déchiffrante» dans 1aquelle les mots et expressions sont  rangées  en regard d’un ordre numérique dans chaque page numérotées

Ce vocabulaire comprend environ 12000 rubriques

L’instruction sur l‘emploi de ce vocabulaire est reproduite instruction sur l’emploi des codes Chappe(Instructions emploi de chappe). Ce texte nous dispense de longues explications.  On notera cependant qu’il est possible de « SYLLABER » les mots ne figurant pas clans le vocabulaire.de signaler le genre et le nombre des mots, de conjuguer les verbes.

Examinés avec la plus grande attention, la confection de ce vocabulaire et son mode d’emploi ont un grand air de parenté avec les procédés de codage CHAPPE.  Précisément la technique de conversion des mots ou expressions en chiffre est la même.  La terminologie forgée dans la période 1794-1805 pour le CHAPPE a été reprise textuellement et les astuces concernant 1es syllabes et la conjugaison sont exactement les mêmes.

Le chiffre de 1861 diffusé à l’origine dans les stations télégraphiques sera expédié en 1882 à toutes les recettes des postes de quelque importance, Un état de cette même année recense plus de 600 vocabulaires dans les bureaux de la France métropolitaine.  La pérennité de ce chiffre a été exemplaire puisqu’il a été utilisé jusqu’à la veille de la deuxième guerre mondiale.

Il peut être considéré comme l’ancêtre de plusieurs familles de chiffres conçus sur la même méthode, employées encore récemment pour les Administrations, mais aussi les banques, les maisons de commerce. Outre leur confidentialité, ces méthodes de chiffrement sont susceptibles de réduire la longueur des messages donc leur coût et d’authentifier l’expéditeur.

Très tôt, on voit apparaitre dans l‘exploitation télégraphique des dépêches chiffrées par des vocabulaires différents voire des méthodes distinctes. L’Administration se résous à mettre un peu d’ordre clans la transmission.  Par une lettre de 1868 le Directeur Général propose d’indiquer de manière précise le chiffre utilisé dans la dépêche mention a inscrire sur les dépeches(Lettre du 26.12.1868 concernant l’indication des différents chiffres transmis)

Pour les nécessités du service télégraphique, le procédé de chiffrement sera toujours basé sur la méthode du « vocabulaire ».  On peut d’ailleurs observer l’emploi de plusieurs éditions successives de ces vocabulaires depuis 1854 jusqu’à l’année 1980. A partir de 1946 pour accroitre la confidentialité, on a fait usage de clés de « sur-chiffrement » ainsi  que  des moyens de « camouflage »  de ces clés.Système de chiffrement 1854-1915Vocabulaires du chiffrement de 1854 à 1975)

Pour observer 1a continuité dans L’élaboration des vocabulaires il suffit de consulter la table des matières du dictionnaire Min de 1953qui rassemble sous forme thématique les données de ce corpus comme dans le vocabulaire CHAPPE de 1823.

Dans le domaine économique (banques, assurances, grandes entreprises) cette méthode de chiffrement est également très utilisée Des « dictionnaires » élaborés pour cet usage sont en vente dans le commerce.

Ce rapide coup d’œil concernant les chiffres utilisés depuis 1850 sur les lignes télégraphiques montre de façon éloquente la part des frères CHAPPE dans l’élaboration d’une nouvelle méthode de chiffrement.  Au dire des spécialistes, cette méthode, à condition d’utiliser un mode désordonné, demande un très gros travail pour le décryptage.  De plus un sur-chiffrement astucieux accroît encore la difficulté.

Grâce à ces avantages, les méthodes de chiffrement à vocabulaire ont obtenu un succès mérité qui s’est prolongé pendant presque deux cents ans. C’est un hommage certain rendu aux frères CHAPPE.

Convention de transmission sur les différentes lignes télégraphique de 1793-1850.

Convention pour les signaux des Dates et des Jours.

Télégramme de Claude Chappe à l’Amiral Bruix.